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L’indice de stress parental

Abidin (1983), résumé rédigé par Marie-Eve Genest

L’indice de stress parental ou Parenting Stress Index (ISP) (Abidin, 1983), traduit au Québec par Bigras et LaFrenière (1996), est un instrument de mesure utilisé pour déceler chez les dyades parent-enfant des difficultés suffisamment importantes qu’elles pourraient nécessiter une intervention psychosociale. À l’instar d’Abidin (1983), le stress parental se définit comme étant un état de malaise psychologique relié au domaine spécifique de l’éducation de l’enfant, soit le stress du parent au moment où il élève son enfant (Lacharité, Éthier et Piché, 1992). Le questionnaire pour le mesurer comporte 101 items se divisant en deux catégories de stresseurs : il y a les stresseurs associés au domaine de l’enfant et ceux associés à celui du parent. Les réponses du parent sont fournies sur une échelle de type Likert en cinq points qui représente le niveau d’accord ou de désaccord du répondant à chacune des propositions énoncées.

Le domaine de l’enfant, comprenant 47 items dans le questionnaire, se répartit en six sous-échelles, dont les quatre premières concernent le tempérament de l’enfant : 1) la capacité de l’enfant de s’adapter au changement, 2) le degré d’exigence de l’enfant vis-à-vis de son parent, 3) l’humeur de l’enfant et 4) l’hyperactivité et les problèmes d’attention chez l’enfant. Les deux autres sous-échelles se rattachent aux attentes du parent à l’égard de son enfant et au sentiment d’être récompensé par l’enfant : l’acceptation des caractéristiques de l’enfant par le parent, ainsi que la capacité de l’enfant à gratifier et renforcer son parent. Par exemple, si l’enfant ne répond pas aux attentes du parent et que ce dernier accepte difficilement certaines caractéristiques de son enfant, il pourrait choisir l’énoncé correspondant à « profondément d’accord » vis-à-vis de l’item suivant : « l’apparence de mon enfant n’est pas tout à fait comme je m’y attendais et cela m’ennuie quelquefois ».

Quant au domaine du parent, comptant 54 items au sein du questionnaire, il se répartit en sept sous-échelles : 1) la dépression du parent, 2) le sentiment de compétence parentale, 3) l’attachement envers l’enfant, 4) la relation conjugale, 5) l’isolement social du parent, 6) la santé physique du parent et 7) la restriction engendrée par la fonction parentale. Les deux premières sous-échelles sont interreliées et elles ont une influence sur l’attachement du parent à l’égard de son enfant. Les quatre dernières sous-échelles, quant à elles, regroupent diverses variables situationnelles autres que la relation parentale, qui peuvent accentuer le niveau de stress vécu au quotidien et ainsi affecter la relation parentale. Par exemple, à un item qui s’énoncerait « la naissance de mon enfant m’a causé plus de problèmes que j’avais prévu dans ma relation avec mon conjoint (ou ami) », si la mère ne perçoit aucune difficulté majeure dans sa relation conjugale depuis l’arrivée de son enfant, elle pourrait choisir l’énoncé qui correspond à « profondément en désaccord ».

L’administration du questionnaire peut varier entre 20 et 30 minutes. Les personnes ciblées par l’ISP sont les parents d’enfants âgés de dix ans et moins. Il est toutefois particulièrement utile auprès des familles ayant des enfants âgés entre zéro et six ans, cette période étant non seulement cruciale pour le développement de l’enfant, mais également considérée par les parents comme un temps où les niveaux de stress et d’exigences sont élevés. Cet instrument de mesure est aussi disponible en forme brève et renferme 36 questions dérivées de la forme longue. Les résultats s’organisent autour de trois sous-échelles (détresse parentale, dysfonction dans l’interaction parent-enfant et difficultés chez l’enfant) en plus de donner un score total pour le stress que génère la relation parent-enfant. Plus la valeur identifiée est élevée, plus le niveau de stress est élevé.

Fidélité

L’analyse des coefficients alpha de fidélité réalisée pour chacune des sous-échelles, tant pour chaque domaine que pour le score total, confirme un niveau élevé de cohérence interne. Les coefficients de fidélité de la version originale, basés sur un échantillon de 2633 sujets, varient de 0,70 à 0,83 pour les sous-échelles du domaine de l’enfant et de 0,70 à 0,84 pour le domaine du parent. Les domaines de l’enfant et du parent obtiennent eux-mêmes respectivement des coefficients de fidélité de 0,90 et 0,93. Le coefficient de fidélité pour le résultat de stress total est 0,95.

La stabilité temporelle de la version originale de l’ISP est confirmée grâce à la fidélité test-retest effectuée lors de différentes études (Burke, 1978 ; Hamilton, 1980 ; Abidin, 1990). Sur une période de temps variant entre trois semaines et un an, les différents coefficients de fidélité varient entre 0,63 et 0,82 pour le domaine de l’enfant, entre 0,70 et 0,91 pour le domaine du parent et entre 0,55 et 0,96 pour le score total.

Validité

La validité du Parenting Stress Index, dans sa version originale, a été démontrée par plusieurs recherches auprès de plus d’une population : normale ; composée de mères dépressives et de mères d’enfants agressifs ; comprenant les mères maltraitantes ; et composée de parents d’enfants handicapés (Lacharité, Éthier et Piché, 1992).

La version française de l’indice de stress parental a été validée notamment par les recherches de Lacharité, Éthier et Piché (1992) et de Bigras et LaFrenière (1996). L’ISP, mis en comparaison avec le Questionnaire d’évaluation des comportements au préscolaire (QECP) (Rutter, 1987 ; Tremblay et Desmarais-Gervais, 1985), tend à confirmer sa validité concomitante. En effet, il a été possible d’associer le critère agressivité/hyperactivité de l’enfant, tel qu’évalué par le professeur, à l’évaluation du stress par la mère de la sous-échelle hyperactivité de l’ISP (Lacharité, Éthier et Piché, 1992). Certaines sous-échelles de l’ISP ont également été mises en comparaison avec l’Échelle d’ajustement dyadique (EAD) (Baillargeon, Dubois et Marineau, 1986). Il semblerait entre autres que plus les parents rapportent un stress élevé à l’ISP, moins bonne sera l’évaluation de la relation de couple faite avec l’EAD à titre de critère (Bigras et LaFrenière, 1996), ce qui tend encore une fois à confirmer la validité concomitante de l’outil.

La validité discriminante tend également à être confirmée, les domaines de l’enfant et du parent semblant relativement indépendants. En effet, diverses analyses de régression permettent d’observer que, par exemple, des critères mesurant des construits similaires tels que le Achenbach et le Q-Sort sur l’attachement sont fortement associés au domaine de l’enfant. On observe aussi que les construits tels que la dépression parentale et l’ajustement conjugal y sont faiblement corrélés une fois que l’on tient compte de la contribution du domaine de l’enfant. Il est donc possible de discriminer différentes sources de stress avec l’ISP (Bigras et LaFrenière, 1996).

Utilisation en recherche québécoise

Une recherche de Lacharité, Éthier et Couture (1999) démontre que l’ISP semble être un outil efficace pour l’identification de cas individuels de mauvais traitements, cela étant d’autant plus vrai lorsqu’il est jumelé avec d’autres types de renseignements (facteurs personnels, familiaux et contextuels). Cette recherche suggère l’utilisation du 95e percentile comme critère indicatif de mauvais traitement chez une population de mères vivant en milieu défavorisé.

Éthier et LaFrenière (1993) ont quant à eux étudié le stress des mères monoparentales en relation avec l’agressivité d’enfants d’âge préscolaire. L’utilisation de l’ISP a permis de constater que les mères seules, surtout celles devant composer avec l’agressivité de leur enfant, ont un niveau de stress total plus élevé que les mères ayant un partenaire. Toutefois, lorsque l’enfant ne présente pas de problème de comportements marqué, le niveau de stress n’est pas significativement influencé par le statut matrimonial. Ce statut semble également avoir un impact sur la relation parent-enfant et il influence notamment les scores obtenus aux sous-échelles de l’attachement du parent à l’égard de son enfant et du sentiment de compétence parentale.

Références

Abidin, R. R. (1983). Parenting Stress Index, Pediatric Psychology Press, Charlottesville, VA.

Abidin, R. R. (1990). Parenting Stress Inddex short form. Test manual. Pediatric Psychology Press, Charlottesville, VA.

Baillargeon. J., Dubois, G. & Marineau, R. (1986). Traduction française de l’échelle d’ajustement dyadique. Revue canadienne des sciences du comportement, 18, 25-34.

Bigras, M. & Lafreniere, P. J. (1999). Discriminant validity of the parent and the child scale of the parenting stress Index. Early Education and Development, 7 (2), 167-177.

Bigras, M., LaFrenière, P. J. & Abidin, R. R. (1996). Indice de stress parental : Manuel francophone en complément de l’édition américaine. Toronto: Multi-Health Systems.

Burke, W. T. (1978). The development of a technique for assessing the stresses experienced by parents of Young children. Unpublished doctoral dissertation. Charlottesville: Institute of Child Psychology, University of Virginia.

Éthier, L. S. & LaFrenière, P. J. (1993). Le stress des mères monoparentales en relation avec l’agressivité de l’enfant d’âge préscolaire. Journal International de Psychologie, 28(3), 273-289.

Hamilton, E. B. (1980). The Relationship of maternal patterns of stress, coping, and support of quality of early infant-mother attachment. Unpublished doctoral dissertation. Charlottesville: Institute of Clinical Psychology, University of Virginia.

Lacharité, C., Éthier, L. S. & Couture, G. (1999). Sensibilité et spécificité de l’Indice de stress parental face à des situations de mauvais traitements d’enfants, Revue canadienne des sciences du comportement, 31(4), 217-220.

Lacharité, C., Éthier, L.S. & Piché, C. (1992). Le stress parental chez les mères d’enfants d’âge préscolaire : validation et normes québécoises pour l’Inventaire de Stress Parental. Santé mentale au Québec, 17(2), 183-204.

Rutter, M. (1987). A children's behaviour questionnaire for completion by teachers: preliminary findings. Journal of Child Psychology and Psychiatry, 8, 1-11.

Tremblay, R. E. et Desmarais-Gervais, L. (1985). Le questionnaire d’évaluation des comportements au préscolaire : manuel d’utilisation. Groupe de recherche sur la prévention de l’inadaptation psychosociale, Université de Montréal, Montréal.