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Inventaire sur les compétences socio-émotionnelles de l’enfant

Résumé rédigé par Marie-Eve Genest

L’inventaire sur les compétences socio-émotionnelles de l’enfant (ICSE) est un instrument développé par Carl Lacharité (1996) qui permet d’évaluer la présence relative d’habiletés sociales et émotionnelles de base chez un enfant manifestant des retards développementaux causés par une déficience intellectuelle, un handicap physique ou un trouble envahissant du développement. L’ICSE cible les enfants de six ans ou moins et la manipulation de cet instrument de mesure doit se faire par un intervenant qui côtoie régulièrement l’enfant. Le répondant (intervenant) doit également posséder une certaine connaissance de l’instrument et des construits théoriques qui y sont rattachés afin d’assurer une utilisation et une interprétation adéquate de l’ICSE (Lacharité, 1997).

L’ICSE est composé de 40 items. Ceux-ci décrivent des conduites qui couvrent divers domaines du développement social et émotionnel de l’enfant de six ans ou moins : engagement social, régulation interne/concentration, régulation des affects, attachement (recherche de proximité et partenariat social), symbolisation langagière, habiletés prosociales et tolérance à la frustration. Les 40 items proviennent de trois sources différentes, soit l’Axe V du Diagnostic Classification of Mental Health and Developmental Disorders of Infancy and Early Chilhood (DC/0-3 : NCCIP, 1994), le Q-Set sur l’attachement (Waters et Deane, 1985) et l’Inventaire des habiletés psychologiques (Strayhorn, Weidman et Majumber, 1990). Les items sont ordonnés de manière à refléter une progression développementale, allant des conduites rudimentaires d’engagement social manifestées habituellement par des nourrissons (par exemple « Manifeste de l’intérêt et de la curiosité face aux personnes en général ») jusqu’à des conduites sociales plus complexes manifestées normalement par des enfants d’âge préscolaire (par exemple « Est capable d’engager et de soutenir une conversation avec quelqu’un d’autre »).

Le répondant effectue son évaluation du niveau de fonctionnement de l’enfant pour chacune des habiletés ciblées sur une échelle de 1, soit « l’enfant ne semble pas posséder cette habileté dans son répertoire de comportements », à 5, c’est-à-dire « l’enfant présente cette habileté de façon évidente dans n’importe quel type de condition ». Une cote « non applicable » (N/A) peut également être employée par l’intervenant pour spécifier que, pour un item donné, l’enfant est en dessous de l’âge chronologique où cette habileté est normalement observée. Deux procédures hautement corrélées (r = 0,98), permettant d’inclure les items auxquels la cotation « non applicable » a été accordée, s’appliquent pour la correction de l’instrument. Tout d’abord, la catégorie « non applicable » peut être recodée pour correspondre à une cote de 1 (absence de l’habileté) et l’addition de la cote alors obtenue à chacun des items permet d’obtenir une cote totale variant entre 40 et 200 qui correspond à une étendue de 160 points. Une autre procédure consiste à éliminer les items ayant été identifiés « non applicable » et, à l’aide d’une règle de trois ( (Somme X 40) / (40 – nombre d’items N/A) ), de reporter la somme obtenue sur une étendue de 160 points allant de 40 à 200. L’analyse de la cote totale indique que plus celle-ci est élevée, plus l’enfant est perçu par l’intervenant comme ayant des habiletés socio-émotionnelles qui correspondent à ce qu’il considère comme étant normalement présent chez un enfant du même groupe d’âge et appartenant à la population générale. En d’autres termes, l’ICSE vise à évaluer diverses habiletés de base et non à identifier des enfants « surdoués », une cote parfaite indiquant une performance normale et non une performance exceptionnelle.

Fidélité

Le coefficient de consistance interne (alpha de Cronbach) pour les 40 items est de 0,96 (Lacharité et coll., 1996b). Aucune évaluation de la stabilité temporelle (test-retest) de la cote totale ni du taux d’accord inter-juges n’est disponible actuellement.

Validité

L’ICSE a été validé avec un échantillon de 56 enfants âgés entre deux et sept ans et recevant des services d’un centre de réadaptation en déficience intellectuelle (Lacharité, Boutet, Gladu, 1995). Environ les trois quarts de ces enfants avaient une étiologie connue (trisomie, anoxie postnatale, paralysie cérébrale, microcéphalie, etc.). Les cotes totales obtenues varient entre 65 et 195 avec une moyenne de 143,3 (écart-type = 30,3).

Bien que l’ICSE soit un outil expérimental, celui-ci semble posséder certaines propriétés métrologiques intéressantes. Ses validités de discrimination et de construit tendent à être confirmées. En effet, la cote totale de l’ICSE s’avère relativement indépendante du sexe de l’enfant (r = 0,20, p > 0,05), du statut conjugal des parents (r = 0,10, p > 0,05) et du niveau socio-économique de la famille (r = 0,06, p > 0,05) (Lacharité et coll., 1996), ce qui appuie la validité discriminante de l’instrument. Dans l’échantillon utilisé, la corrélation entre la cote totale de l’ICSE et l’âge chronologique de l’enfant (en mois) n’est pas significative (r = 0,22, p > 0,05). L’évaluation de la validité de construit a, quant à elle, permis d’établir certains liens entre la cote totale de l’ICSE et les résultats à l’Inventaire de soutien requis (Lacharité et coll., 1995), indiquant que le niveau d’habiletés socio-émotionnelles d’un enfant est inversement proportionnel (r = -0,66, p < 0,001) à la nécessité d’un soutien lourd et constant pour son développement optimal. De la même façon, l’ICSE mis en comparaison avec un « check-list » de symptômes manifestés par l’enfant, tiré du DSM-IV (APA, 1994) et du DC/0-3 (NCCIP, 1994), indique que la maîtrise d’habiletés socio-émotionnelles est inversement proportionnelle (r = -0,53, p < 0,001) à la manifestation sévère de symptômes psychopathologiques.

Utilisation en recherche québécoise

L’ICSE a notamment permis d’illustrer l’importance du contexte familial dans la manifestation de problèmes d’adaptation psychologique chez un enfant présentant une déficience intellectuelle (Lacharité, Boutet, Gladu et coll., 1996). Cette variable environnementale peut accentuer de façon significative les problèmes d’adaptation psychologique d’un enfant qui manifeste des caractéristiques individuelles difficiles et qui vit à l’intérieur d’une famille présentant peu d’aspects positifs. À l’inverse, un milieu familial arborant plusieurs aspects positifs peut atténuer l’influence des caractéristiques individuelles de l’enfant ayant une déficience intellectuelle et ainsi permettre à ce dernier de développer un niveau d’adaptation psychologique adéquat.

Références

Lacharité C. (1997). Inventaire sur les compétences socio-émotionnelles de l’enfant, Groupe de recherche en développement de l’enfant et de la famille(GREDEF). Manuscrit inédit.

Lacharité, C., Boute, M., Galdu, S. (1995). Déterminants de l’adaptation psychologique du jeune enfant présentant une déficience intellectuelle, Revue francophone de la déficience intellectuelle, Numéro spécial, mai.

Lacharité, C., Boutet, M., Galdu, S., et coll., (1996). Impact du contexte familial et des caractéristiques personnelles du jeune enfant présentant une déficience intellectuelle sur son adaptation psychologique, Revue francophone de la déficience intellectuelle, Numéro spécial, mai.

Strayhorn, J. M., Weidman, C. S. & Majumder, A. (1990). Psychometric Characteristics of a Psychological Skills Inventory as Applied to Preschool Children, Journal of Psychoeducational Assessment, vol. 8 (4), pp.467-477.

Waters, E. & Deane, K. (1985). Defining and assessing individual differences in attachment relationships: Q-methodology and the organization of behavior in infancy and early childhood. In I. Bretherton & E. Waters (Eds.), Monographs of the Society for Research in Child Development, vol. 50 (1-2), pp. 41-65.