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Paternité et alimentation de l’enfant

La transition à la paternité s’initie dans un contexte où les mères canadiennes sont fortement encouragées à allaiter leur nourrisson. Bien que les effets de l’allaitement maternel sur le nourrisson et la mère soient bien connus, l’expérience des pères de ce mode d’alimentation de l’enfant est plus méconnue. Souvent, le père est présenté comme un soutien à la mère. Sans vouloir nier l’importance de ce rôle, nous avons cherché à mieux comprendre l’expérience des pères de différents modes d’alimentation de l’enfant. Trois études financées par le CRSH ont été réalisées autour ce thème depuis 2004.

Pères et alimentation de l’enfant 1 (PAL 1)

L’étude Pères et alimentation de l’enfant (PAL 1) visait à :

1) décrire les représentations des pères de l’allaitement maternel
2) identifier les effets de l’allaitement maternel sur les relations du père avec l’enfant, du point de vue des pères
3) identifier le soutien reçu et désiré par les pères dans cette expérience.

Échantillon

Quelque 36 pères ont été rencontrés au cours de cette étude, soit 21 dont la conjointe a allaité minimalement six mois et 15 dont le nourrisson a été sevré dans les trois premiers mois (en moyenne à six semaines).

Résultats

Quel que soit le mode d’alimentation choisi, les pères ont saisi le message social à propos des bienfaits de l’allaitement maternel pour la mère et l’enfant, mais tardent à identifier des bienfaits pour eux-mêmes, mis à part ceux liés à l’organisation familiale.

Les pères ont différents niveaux d’engagement envers l’allaitement. Pour certains, il est essentiel que l’enfant soit nourri de la sorte, alors que d’autres s’appuient sur la mère pour prendre la décision de sevrer. D’autres encore, moins nombreux, ne saisissent pas pourquoi leur conjointe se donne tant de mal, mais l’appuient dans ce choix.

Finalement, tous souhaitent s’impliquer auprès de l’enfant, mais ils reçoivent peu de soutien du réseau en ce sens.

Pères et alimentation 2 (PAL 2)

L’étude Pères et alimentation (PAL 2) visait à:

1) examiner la nature des relations entre les conditions d’allaitement, la situation psychosociale des pères et l’expérience paternelle lors de l’allaitement
2) identifier la nature des soins et services reçus et souhaités par les pères lors de l’expérience de l’allaitement.

Échantillon

Pour cette étude, 280 pères ont été rencontrés, soit un groupe de 160 pères ayant un enfant qui a été allaité plus de six mois; un groupe de 51 pères ayant vécu le sevrage précoce de leur enfant alors qu’ils souhaitaient qu’il soit allaité et un dernier groupe de 70 pères qui ont choisi l’alimentation artificielle. Plusieurs constats émergent de ces données, tirées d’entrevues et de questionnaires.

Résultats

Choix de l’alimentation de l’enfant

Bien que la majorité des pères rapportent que le choix de l’alimentation s’est fait en couple, il ressort que ce sont principalement les mères qui guident ce choix.

L’expérience des pères dont l’enfant est sevré dans le premier mois.

Les pères dont l’enfant a été sevré précocement semblent plus impliqués auprès de l’enfant dans le premier mois de vie que les pères des deux autres groupes, ce qui s’explique par l’intensité des difficultés rencontrées en lien avec l’allaitement. Ces difficultés sont parfois sources de tension intense au sein du couple, soit parce que les conjoints se sentent dépourvus devant l’ampleur des exigences liées à l’alimentation de l’enfant, ne s’accordent pas sur les solutions, ou encore s’inquiètent pour la santé de l’enfant ou celle de la mère.

L’expérience des pères dont l’enfant est alimenté artificiellement

Les pères d’un couple qui a choisi l’alimentation artificielle perçoivent un jugement social à l’égard de leur décision, ce qui les amène à ne pas solliciter du soutien du réseau de la santé.
L’expérience des pères dont l’enfant est allaité plus de six mois.

Le soutien social, les perceptions d’efficacité parentale et l’anxiété contribuent directement à l’engagement des pères dans les premiers six mois de vie de l’enfant de sorte que les pères disposant de moins de soutien, se percevant moins efficace et étant plus anxieux s’engagent moins auprès du nourrisson. Bien que les pères d’un enfant allaité souhaitent généralement s’engager auprès de l’enfant, l’étude révèle que les femmes agissent à la fois comme facilitatrices ou encore comme obstacles dans le soutien des pères, certaines limitant l’accès à l’enfant par l’allaitement.

En conclusion

L’ensemble des pères reçoivent peu de soutien des professionnels de la santé dans le développement de leur engagement paternel, l’unité mère-enfant étant la cible principale, sinon unique, des soins. Ces résultats invitent les intervenantes à porter une attention particulière au regard qu’elles posent sur le développement des pères et de leurs relations avec leurs enfants et à l’espace qu’elles créent pour que les pères évoluent. Ainsi, les propos des pères de cette étude invitent à réfléchir aux questions suivantes : Jusqu’à quel point les femmes qui côtoient les pères s’inscrivent-elles dans une logique de proximité relationnelle avec le père pour pouvoir lui apporter un soutien qualifiant, c’est-à-dire un soutien qui lui permette d’atteindre ses objectifs personnels comme parent ? Est-ce possible que les pratiques professionnelles envers les pères soient dirigées par les pères, de sorte à ce que ceux-ci soient les acteurs principaux du scénario de leur vie ? Ces questions font l’objet d’une autre étude.

Pères et alimentation 3 (PAL 3)

L'étude pères et alimentation 3 (PAL 3) visait à: 

1) Examiner les représentations de pères et de mères des effets du contexte d’allaitement maternel sur la relation conjugale.

2) Identifier les effets de l’allaitement maternel sur les relations que les pères construisent avec leur nouveau-né;

3) Examiner les représentations des pères de leurs stratégies d’adaptation (incluant la recherche d’aide);

4) Examiner comment les mères perçoivent les stratégies d’adaptation des pères et y réagissent;

5) Examiner la nature des liens entre les caractéristiques de la personne (la santé mentale, le niveau d’éducation et les stratégies d’adaptation), les caractéristiques du contexte (l’expérience de l’allaitement, les perceptions du père de son enfant et du soutien social), les processus proximaux (la relation conjugale et l’alliance parentale) et le résultat développemental (l’engagement paternel).

Échantillon

Le projet s’est déroulé dans trois régions du Québec, soit l’Outaouais, les Laurentides et la Mauricie. Le recrutement, tout comme la collecte de données, se sont tenues de septembre 2009 à janvier 2012. Le questionnaire a été complété par 220 pères, alors que 36 pères et 36 mères ont participé aux entrevues individuelles.

Résultats

Stress parental

Les pères qui ressentent moins de stress parental sont plus engagés envers leurs enfants. De leur côté, les pères qui se disent plus stressés face à leur rôle de père se perçoivent moins efficaces comme parents, ce qui influe négativement sur leur engagement paternel. Les pères bénéficiant d’un revenu plus élevé se sentent moins efficaces comme parents alors que ceux qui ont un niveau de scolarité plus élevé sont éprouvent moins de stress dans leur rôle parental. Contrairement à l’hypothèse initiale, les pères ayant reçu du soutien social sont aussi ceux qui éprouvent plus de stress parental, ce qui s’explique probablement par le fait qu’ils qualifient le soutien reçu de peu aidant.

Dépression et anxiété

Selon notre étude, 8,2% des pères présentent des symptômes dépressifs alors que les enfants sont âgés entre 8 et 14 mois. Les symptômes dépressifs sont associés à une perte périnatale lors d’une grossesse antérieure, au stress parental, au tempérament difficile de l’enfant, aux interactions dysfonctionnelles avec l’enfant, à une insatisfaction conjugale ainsi qu’à une faible perception d’efficacité parentale.

Engagement parental

Les femmes dans la vie des pères (conjointes, mères et professionnelles) facilitent ou font obstruction à l’engagement de ces derniers envers leurs enfants. Par leurs comportements, attitudes et paroles, les femmes vont permettre l’inclusion du père au sein de la nouvelle famille alors que d’autres vont les en exclure. De la même façon, ces gestes vont soutenir le pouvoir d’agir de certains pères alors qu’ils vont plutôt en contraindre d’autres à obéir. Finalement, certains pères rapportent avoir l’occasion de vivre des moments d’intimité avec leurs enfants alors que d’autres se sentent constamment surveillés ou même mis à distance par les femmes.